Zara se préparait à aller dîner, de même qu’Ewart et les enfants. Ces derniers semblaient très pressés d’aller voir Alsing, le fils d’Helva. Ils n’avaient pas fait de grands efforts dans l’habillement, faut dire que ce n’est qu’un repas entre amis. Même si on peut le considérer comme un repas de bienvenue pour Miles. Enfin s’il en a besoin.

Toute la famille quitta la maison et Ewart en verrouilla la porte. Ils arrivèrent en même pas cinq minutes devant la porte des Fitzhenry. Derrière eux arrivaient Miles puis Gordon. Une fois dans la maison, après une bise rapide les enfants foncèrent vers Alsing. Zara retourna l’accolade avec un sourire et Ewart accepta avec un sourire la main de la contrôleuse. Zara avisa Helva se massant l’épaule.

Ton épaule te fait toujours mal ?

Ewart garda le silence et partit voir Torin. Zara, elle observait Helva. Avant de saluer à nouveau Miles avec un sourire puis Gordon qui ne semblait pas vraiment à l’aise. Les deux hommes s’avancèrent dans la maison tandis que Zara ne lâchait pas du regard Helva, l’air de dire « Si tu ne vas pas bien, tu dois te reposer ». Et quitte à se reposer, c’est mieux quand il n’y a pas tout plein de monde dans la maison, comme ce soir.

Miles était arrivé le matin même sur le campus, très tôt, et la journée avait été trépidante. Déballage de cartons, mise en place de ses affaires, une première visite du Campus pour en admirer tous les changements, rencontre coup-de-vent avec une partie du personnel, le point d'orgue de la matinée avait été la présentation aux agents, dans le réfectoire avant le déjeuner.
Il avait retrouvé avec plaisir ses anciens camarades, Helva et Gordon, avait trouvé une Zara plus épanouie que jamais, avec ses casquettes de mère de famille et de directrice. Il ne se souvenait que peu de Ewart, n'ayant jamais mené de mission sous son contrôle. Les enfants lui avait semblé être anormalement calmes. Il se demandait bien quelles rumeurs couraient déjà sur son compte. Il n'avait jamais été un agent de premier plan, il avait fait toute sa carrière sous le T-Shirt gris, mais sa légende existait, quand même.
Il était surement le seul agent actif à avoir découvert autant de recrues, une soixantaine en sept ans, et il pensait bien que personne d'autre n'avait rempli la gageure de ne jamais avoir reçu la moindre punition de toute sa carrière. Cela avait-il suffit à faire de lui un de ces êtres mythiques, dont on parlait pendant des années, comme la légendaire famille Adams ? Il en doutait sérieusement.
Le repas qui avait suivi n'avait pas été un moment de détente, son attention avait été sollicitée à tout instant, le comportement de certains agents, et pas forcément les plus jeunes, montrant qu'ils cherchaient l'attention du nouveau membre du personnel. Zara avait remis au lendemain la tâche ardue, la répartition des dossiers entre lui et les autres RespForm, ce qui lui avait permis, en débauchant un Gordon plus que volontaire, de faire le tour exhaustif du campus dans l'après-midi, tout en parlant de choses et d'autres.
L'heure avait tourné, et il n'avait eu que le temps de prendre une douche rapide avant de se rendre à l'invitation du soir, chez Helva et Torin, pour un diner de bienvenue plus informel.

Miles était partagé entre la béatitude d'être de retour à la maison et la légère inquiétude de se trouver au centre des attentions, à la focale des regards.
Après avoir salué tout le monde, la marmaille se précipitant pour se livrer à des occupations tonitruantes de petits gamins bien-vivants offrit une couverture sonore à sa requête discrète à un Gordon qui semblait mal à l'aise.

- Surtout, tu ne me laisses pas tomber, hein ?

Gordon était dans sa chambre. Il feuilletait négligemment les dossiers des bleus ciel et rouges qui seraient à la prochaine session. Il soupira en voyant qu’une bleu ciel ne savait pas nager. Il nota son nom dans un carnet à côté d’une date aléatoire. Il rechercha dans mémoire quelqu’un qui pourrait le lui enseigner correctement. Probablement un membre de l’équipe de natation ou un bleu marine volontaire. Il se leva, Zara lui avait demandé de passer au réfectoire vers midi.

Chose qu’il avait faite pour revoir Miles fraichement arrivé avec la casquette de responsable de formation. Il le salua. À la fin d’un repas interminable selon Gordon, les deux hommes firent un tour du campus. Ils parlèrent un peu du passé, mais surtout en comparaison de ce que le campus est maintenant. L’après-midi s’écoula rapidement. Et jusqu’à se retrouver devant la maison des Fitzhenri, il ne pensait qu’il ne devrait pas venir. Il avait connu Allister au campus, ils avaient même été plutôt proches. Et ce type avait tiré sur Helva lors de sa mission. Et bizarrement il n’aimait pas ça. Comme s’il s’en sentait responsable.

Dans la maison il salua toute la famille d’Helva et ceux qu’il n’avait pas vu des Asker. Gordon s’était forcé à les regarder dans les yeux, même s’il aurait préféré être autre part. L’instructeur en chef se dirigea vers le salon où il s’installa dos au mur en observant les enfants jouer. Voir ces deux familles était comme une piqûre de rappel sur son célibat. Enfin, l’écossais se préoccupait plutôt d’autre chose. Mais parfois cette idée de sortir avec quelqu’un venait le titiller. Même s’il devait en être de même pour Miles qui l’avait suivi. Il soupira.

Qu’est-ce que ça te fait de revenir ?

Un jouet roula jusqu’à ses pieds, il le ramassa. Il s’accroupit pour le tendre avec un léger sourire à Alsing. Le gamin de trois ans vint le chercher avec un rire. Gordon se releva en époussetant des poussières invisibles. Son sourire disparut.

Zara lança un regard désapprobateur à Helva avant de laisser un peu de place pour que les garçons puissent entrer. Garçons qu’elle salua chaleureusement, à nouveau puisque ce n’était pas la première fois qu’elle les voyait. Puis elle s’enfonça dans la maison. Elle alla ébouriffer les cheveux de son fils aîné.

Elle accepta avec un sourire la coupe de crémant que lui tendait Helva. Puis elle put admirer l’engouement pour les jus de fruits des enfants. Zara ne put s’empêcher de s’attendrir devant Joshua servant un verre au fils d’Helva. La mère de trois enfants restait les yeux rivés sur ses enfants.

Ewart lui parlait à Torin. Les deux hommes buvaient leur coupe en parlant de combien ils étaient fier de leur famille respective. Puis ils s’adressèrent à Gordon, qui semblait vouloir rentrer à la première occasion. Probablement sans rien dire du tout, juste ruminer. Et vu comment Zara l’avait retrouvé, il pouvait aller très loin dans la dépression à force de ruminer. À l’exclamation de l’irlandais toute la maison sembla se tourner vers eux.

Zara lança un regard interrogatif à son mari avant de sourire aux exclamations d’Alsing qui ne cessait de répéter « Général ». Elle lui ébouriffa les cheveux avant de lui proposer un autre verre de jus de fruits. Et tous les enfants vinrent remplir leurs verres respectifs.

Ewart ne put qu’étouffer son rire quand Torin ébouriffa les cheveux de Gordon. Les cheveux habituellement ordonnés de Gordon devinrent un véritable capharnaüm. Ceci ne fit qu’accentuer l’envie de rire d’Ewart qui finit par éclater de rire lorsque le roux se recoiffa rapidement.

Tu tiens tant que ça à ta coiffure ?

Après un regard noir de l’instructeur, Ewart se dit qu’il aurait peut-être dû contenir son commentaire. Mais quand on rit, il est difficile de se retenir de dire ce qu’on pense. Il s’excusa rapidement puis les trois hommes partir sur un sujet quelconque. Chacun donnant son avis. Zara quant à elle regardait les enfants et jouait avec eux avec plaisir.

Miles déambulait dans la maison comme un invité à un vernissage dans une galerie d'art. Il répondait aux questions, donnait son avis quand on le lui demandait, et observait les enfants des deux couples qui jouaient ensemble. La question de Gordon ne le surprit pas vraiment, c'était une chose tellement naturelle que de confronter sa vie du dehors à ce qu'il espérait de son retour sur le Campus.

- C'est à la fois une impression de rentrer à la maison, un sentiment de plénitude, genre "je suis où je dois être" et la sensation de revivre, après avoir affronter la noirceur du dehors, comme les rigueurs d'un hiver interminable, mais en pire. Crois moi, les "Cents Jours en Enfer" n'étaient rien à côté de ce que j'ai vécu là-bas...

Sa balade le ramena ensuite vers Helva, qui lui donna une coupe de vin à bulles français et le questionna sur son parcours, tout en se remémorant leur rencontre, enfants.

- Oui, j'avais six ans et demi, à l'époque, je parlais trois langues étrangères et je commençait à en apprendre deux autres.
Il sourit à ce souvenir.
Les autres me prenaient pour un extra-terrestre, je crois...
Du coup, j'ai moi aussi fait des études supérieures de langue, un doctorat de linguistique comparative, et un autre, en Sciences de l'Education. Maintenant, je parle à peu près couramment vingt et une langue, une trentaine avec les dialectes et patois.

Il se pencha pour demander, dans un chuchotement :

- Torin est vraiment général ?

Il reprit ensuite ses errances, prenant le temps, au passage, de raconter une histoire de pirates aux enfants, avec des petits fours pour mimer l'abordage.

Gordon écouta la réponse de Miles et ne put s’empêcher de sourire à l’allusion au PEI dont il avait la charge. Mais dire que quelque chose était pire que le PEI n’était pas rassurant, alors le sourire du roux ne dura que très peu de temps. Il fut peut-être même inexistant. Miles le quitta pour faire le tour. Gordon lui resta dans son coin, observant les autres. Il ne se sentait pas à l’aise. Il aimerait partir, mais … Non. Il accepta le verre de crémant qu’Helva lui tendait. Il but une première gorgée. Puis il put voir arriver Torin accompagné d’Ewart. Le roux déglutissait avec difficulté. Il avait viré au blanc crayeux. Après une grande exclamation, rappelant le grade de général de Torin, ce dernier ébouriffa les cheveux de Gordon qui fut légèrement secoué. L’instructeur se recoiffa rapidement. Cela le calma un peu. Mais pas beaucoup, surtout à cause de la remarque moqueuse d’Ewart. Le roux lui lança un regard noir glacial puis il regarda Torin.

C’est plus la vue d’un ami blessé par un vieil ami qui me fait peur. Mais parlons d’autre chose, voulez-vous ?

Gordon sortit un faible sourire au duo puis but une gorgée de ce verre de crémant. Verre qui se vidait particulièrement lentement. Mais une fois la discussion lancée, il se vida un peu plus vite. Gordon se détendait doucement. De plus, le sujet en cours était le dada de Gordon. Enfin, peut-être pas le dada, mais du moins son domaine : l’entraînement de recrues. Même si ce n’est son domaine que depuis peu. Cela ne fait même pas un an qu’il est instructeur à CHERUB. Enfin, quelqu’un lui avait déjà dit qu’il était doué pour ça, lui rappelant une période de sa vie où il aidait ses camarades à apprendre tout ce qui pourrait faire d’eux de bons soldats. Ce qui détendit un peu plus le roux qui se mit à parler avec un peu plus d’entrain.