Ce matin, pas de grasse matinée. Comme les sept autres agents opérationnels, elle était attendue à 6h40 par Gordon, pour un exercice d’entrainement. Avec ses camarades, la nippone était dans le réfectoire. Là, un bon petit déjeuner les attendait. Les cuisines avaient prévu le coup, et heureusement, car ils étaient certains que Gordon leur avait concocté une véritable torture.

A l’heure dite, ils étaient tous là, en tenue impeccable. Il faut dire, s’ils étaient à ces vacances, c’était parce qu’ils avaient tous montré qu’ils étaient des agents modèles. Là, Itô n’était pas une quasi anomalie. Elle s’était rapidement bien entendu avec eux. Enfin, avec la plupart. Le courant ne pouvait pas passer à chaque fois non plus.

Ils écoutèrent Gordon et observèrent tous leur carte. La sienne affichait dix points de passage. Mais pas de points de rendez vous. Elle fronça des sourcils. Il était possible, bien sûr, que la position de celui ci soit indiqué dans les ordres de mission. Mais bientôt, un bruit courrut dans leurs rangs. Les cartes étaient complémentaires.

Après une minute d’observation attentive de chaque carte, les paires avaient été formées. A l’exception de deux. Deux agents étaient parti sitôt leur carte en main. Si encore ils avaient été ensemble, cela aurait limité les dégâts. Mais les deux agents restant étaient bloqués.

La nippone se mordit la lèvre. Les agents restant, refusant de laisser seuls leurs deux camarades, réfléchirent à une solution tous ensemble. Ils trouvèrent ainsi plusieurs point de passage commun aux quatre paires. Le tout était donc qu’Itô et le deuxième infortuné, un certain Romuald, avancent assez vite pour intercepter leur camarade. Ils auraient d’autre chance par la suite. Mais ils ne penseraient certainement pas à récupérer leur partie de l’ordre de mission. Et cela pourrait leur manquer.

Sans hésiter, Itô se mit en route. Elle allait devoir sprinter. Aller le plus vite possible. Elle même avait un point de passage à faire avant. Elle était accompagnée d’une autre paire. A trois, ils se donnaient le relais pour la position de tête, celle la plus fatiguante. Le duo l’aidait à vite avancer. Fort heureusement, grâce à la ballade quelques jours plus tôt, Itô n’était plus complètement novice. Alice, une blondinette d’origine islandaise, lui fila encore quelques astuces.

Au premier point de passage, Itô se saisit donc de son ordre de mission, ainsi que celui de son partenaire, apprenant par la même qu’il s’appelait Miles et qu’il parlait le russe. Elle enchaina rapidement sur la suite. Elle devait s’activer. Elle saurait très vite si elle avait réussi à faire ce qu’elle devait.

Quand elle parvint au deuxième point de passage, elle chercha l’ordre de mission de ce Miles avant même le sien. Il n’était plus là. Elle pesta en prenant le sien, puis observa les alentours. C’est Alice cependant qui lui indiqua les traces fraiches, et au bout, à deux cents mètres, un garçon. Tous les autres ordres étaient là.

Ce ne pouvait être que lui. Itô sprinta tout simplement pour le rattraper, appelant son nom. Il finit par l’entendre, se retourner, et s’arrêter.

Arrivée à sa hauteur, elle tâcha d’abord de reprendre son souffle. Pour premières explications, elle lui montra simplement l’ordre à son nom qu’elle avait récupéré.

« L’exercice se fait en paire. Et on est ensemble. Il faut récupérer nos deux ordres de mission à chaque fois. Tu as fait combien de points de passage, ormis celui là bas ? »

Il fallait maintenant qu’ils s’organisent pour être le plus rapide possible. Les deux enfants décidèrent rapidement de se séparer pour chacun prendre les ordres de missions -les deux- qu’ils avaient sur leur carte. Ils se donnèrent rendez vous sur le dernier point en commun qu’ils avaient sur leur carte. Miles retournerait en arrière pour récupérer l’ordre de mission manquant.

Elle se remit donc en route dans sa marche solitaire. Le faire ainsi leur permettrait de gagner en rapidité, même s’ils arriveraient plus fatigués. En effet, le parcours complet formait de nombreuses boucles, qu’ils pouvaient éviter autrement. Du moins, en échangeant quelques points. Trois au total.

Après plusieurs heures de silence, seulement perturbées par quelques rencontres éparses, Itô parvint à leur point de rendez vous. Elle prit là un peu de repos, en sortant de son sac de l’eau et un biscuit. Elle devait reprendre des forces. Elle laissa passer devant une paire, puis vit enfin Miles arriver. Elle l’acceuillit en lui tendant sa propre gourde. Cela lui éviterait d’avoir aussi à fouiller dans son sac.

Ils récupérèrent donc leurs ordres de mission, échangèrent les coréens -puisque les siens étaient rédigés dans cette langue là- et les russes. Puis se remirent en route. Il avaient encore un point de passage, puis c’était le chalet.

Ils arrièvent à celui ci en deuxième position. La nippone était satisfaite. Alice et son partenaire les suivirent de peu. Mais Romuald tardait. Bientôt, on vit apparaître son partenaire. Mais toujours pas de Romuald. Le dénomé Fred reçut un acceuil glacial de la part de tous les agents qui étaient là. Seul Miles semblait ne pas lui tenir rigueur de la difficulté dans laquelle se trouvait Romuald.

Romuald arriva, bon dernier. Itô alla à sa rencontre, pour prendre de ses nouvelles. Il en avait bavé. Mais n'était parvenu à rien. Il eut à peine le temps de se reposer, sans accorder un regard à son partenaire, que Gordon arriva et beugla. Les engueulant tous bien comme il faut. Les deux qui étaient partit à toute blinde le méritaient sans aucun doute.

Le véritable but de l'exercice arriva bientôt. Les explications de l'instructeur furent minimalistes. Ils devaient avant tout traduire leur ordre de mission, et c'est la tâche à laquelle Itô se mit tout de suite, bien avant de penser à regarder la carte. Elle devrait traduire du coréen, une langue complexe. Le hangeul, c'est à dire le système d'écriture coréen "moderne", est un alpha-syllabaire de vingt quatre lettres. Ces lettres sont regroupés en carrés, chaque carré forme une syllabe. Il arrive cependant que les coréens utilisent en même temps un autre système d'écriture, les hanja, pour écrire les mots d'origine chinoises. Cette mixité ne facilitait évidemment pas la tâche.

Elle ne disposait d'aucun papier ou crayon dans son sac. Par conséquent, elle ne pouvait que compter sur sa tête pour se remémorer les choses importantes. Difficulté supplémentaire. Elle n'était pas encore très à l'aise avec cette langue. Le chinois lui parlait plus. Mais elle suppose que c'était justement pour ça qu'elle avait du coréen à se mettre sous la dent.

Et puis bien sûr, des phrases manquaient. Miles Parrish, son partenaire, devait avoir ce qui manquait. Elle le regarda du coin de l'oeil, en train de regarder la carte. Elle choisit d'aller le chercher avant tout.

« Traduisons déjà notre ordre de mission. On ne saura pas quoi faire de cette carte autrement. »

Aussitôt, elle l'éloigna des autres. Elle avait traduit juste assez pour savoir qu'il y aurait plusieurs équipes, au moins deux, et pour le moment, elle ne savait pas qui seraient des alliés parmi les autres binômes. Elle se remit rapidement au travail. Du coin de l’œil, elle l'observa soupirer et se gratter la tête. C'était bien sa veine. Il avait l'air de ne strictement rien comprendre.

Elle même devait déjà se concentrer sur ce qu'elle avait à traduire. La première partie de l'ordre de mission décrivait un chalet. Il lui manquait toute la fin de celle ci. Ainsi, si elle savait que le chalet disposait d'un sous sol et d'un ou plusieurs étages, elle n'avait aucune idée de leur disposition. Pour le rez de chaussé, il s'agissait apparemment d'une grande pièce multifonction, d'une salle d'eau et d'une piscine extérieur. Plus la cage d'escalier pour descendre ou monter.

La deuxième partie de l'ordre de mission concernait les règles de l'exercice. Elle possédait un unique paragraphe, leur indiquant les objectifs de la mission. Pénétrer dans la maison, se saisir d'un objet, et le ramener... Probablement à Gordon. Quelques subtilités lui échappaient, mais elle avait l'essentiel. Du moins, elle l'espérait.

Son partenaire était encore en train de se gratter la tête et de grommeler sur sa propre traduction. Autour d'elle, les autres agents avaient aussi entamé cette partie de l'exercice. Certains avaient même déjà finis. Il était temps pour Itô de se pencher sur les fameux plans. Elle ne savait pas combien de temps il leur restait. Mais logiquement, en tant qu'équipe offense, ils en auraient plus que ceux en défense.

Comme elle s'y attendait, les deux autres agents qui observaient avec elle les plans restaient muets comme des tombes. Pas de concertation inter binômes, donc, pas moyen de savoir qui étaient leurs coéquipiers. Et il ne fallait pas dévoiler d'informations à l'autre équipe.

L'approche du chalet semblait être la phase la plus importante. Les défenseurs ne devaient surtout pas savoir quand ils arriveraient. Et ce ne serait pas chose facile. Ils seraient en hauteur. Et la piscine offrait une vue panoramique. Il serait juste impossible de passer par ce côté sans être vu. Sachant cela, les défenseurs ne devraient poser qu'une seule personne à cet endroit, pour guetter, mais les autres seront prêts à rappliquer de suite.

Il y avait un sous sol et un étage. Itô n'avait pas encore lu leur description, elle ne savait pas ce qu'il y avait. Elle devait se contenter d'extrapoler avec les plans tant que son partenaire n'avait pas finit. Une pièce pour le sous sol, un couloir et pleins de pièces pour l'étage.

Les autres agents semblaient eux aussi avoir finit les traductions de leurs ordres de mission. Un à un, ils se regroupaient autour des plans, dans un silence absolu. Certaines paires s'éloignaient parfois pour discuter entre elles, mettant en place leurs premières stratégies.

La deuxième phase après l'approche du chalet était évidemment d'y entrer. Pour cela, ils auraient la porte, les fenêtres et la baie vitrée. La porte serait piégée et surveillée, c'était évident. Selon le type de fenêtre, il serait possible ou non de les ouvrir de l'extérieur. La baie vitrée... Ils pourraient tenter de la casser, mais en général, il s'agissait de verre dit "blindé". Les fenêtres semblaient donc être la seule façon viable d'entrer.

Il y en avait 4 dans la pièce principale. Mais entrer ici était probablement une mauvaise idée. Il y aurait quelqu'un, dans cette pièce ou dans la piscine, qui les verrait immédiatement. Pas de fenêtres dans la cage d'escalier. La dernière pièce devait être la salle d'eau. Là, il y avait bien une fenêtre.

Est ce qu'ils garderaient un guet ici ? Ils seraient quatre. Un guet dans la piscine, un guet dans la pièce principale, un guet ici, et finalement, une personne avec la valise. A moins qu'ils aient suffisamment confiance en la cachette de la dite valise pour ne mettre personne autour.

Rapidement, Itô se rendit compte qu'elle aurait largement préféré être en défense. La tâche lui semblait bien plus facile.

Et rapidement, elle se désintéressa du plan. Elle l'avait déjà mémorisé, et le fixer en émettant des conjectures ne l'amènerait à rien. Avant d'entrer, ils devraient faire le tour du chalet pour repérer la position des adversaires, sans se faire voir évidemment.

Le temps serait un facteur déterminant. S'ils y allaient de nuit, ils seraient à couvert, et pourraient ainsi plus facilement approcher, puis entrer, en toute discrétion. Sans compter qu'ils auraient déjà passé plusieurs heures à attendre leur arrivée, ce qui les fatiguerait. Mais cela leur laisserait bien plus de temps pour préparer d'éventuels pièges. Encore un casse tête impossible à résoudre sans avoir la moindre idée des réactions de l'autre équipe. Aussitôt, Itô se mit à ouvrir grand les oreilles et à écouter, observer, les autres binômes. Quand Miles s'approcha d'elle, elle lui fit signe immédiatement de se taire. Elle ne devait pas être déconcentrée.

Le demi heure se termina. Aussitôt, Gordon beugla, récupéra les ordres de missions et envoya Romuald, Fred, Peter et sa soeur Helen -ceux qui avaient filé la solution de la première partie aux autres- jusqu'à ce fameux chalet.

Alice, Ted, Miles et elle avaient désormais une demi heure pour se concerter sur leur offense.