Son histoire
Il est  né on ne sait où, on ne sait quand. Il pleuvait comme vache qui pisse et les conditions d'hygiène étaient désastreuses. Maintenant que je le dis, ça me revient. C'était dans une cabane au plus profond d'une forêt, sans médecin sans rien. Juste une femme allongée sur une table de bois et un homme à côté qui l'aidait vaguement avec ses mains sales d'ivrogne poissard. Des hurlements, puis des vagissements. Le môme naquit, on le prénomma Mark et on lui donna comme deuxième nom Abraham. Un miracle qu'il sorte de là entier, au bout de neuf mois, complet, et tout et tout. Le miracle s'arrêta bien vite. Septicémie.

Plus qu'un père et son fils.
Un père qui buvait du rhum comme un trou, à ne plus jamais être sobre, à tituber lorsqu'il venait nourrir son gamin. Je ne sais plus ce que faisait ce type dans la vie. Bûcheron, ou quelque chose comme ça, juste assez de revenu pour faire survivre une famille de deux. Une famille de trois ça aurait marché aussi, mais elle n'était plus là, elle reposait enterrée au pied d'un bouleau centenaire. C'est sans doute pour ça aussi qu'il buvait. Un peu déséquilibré, cet homme. De ce que j'ai compris, il s'était coupé un doigt pour matérialiser sa souffrance intérieure, quelque chose du style. Je crois que c'était le même doigt que celui qu'il avait tranché à son fils nouveau né pour le punir de la mort de sa mère.

Pourtant, Mark survécut. Il alla même à l'école, un temps, avant de la déserter totalement. C'est qu'il préférait grandement crapahuter dans la forêt à rester assis sur un banc. Il y alla quelque chose comme trois ou quatre ans. De toute  façon son paternel, Leopold de son petit nom, le préférait dans la forêt à apprendre un boulot plutôt qu'à se farcir le crâne de trucs qui, disait-il, ne lui serviraient jamais de toute façon. Étrangement, il ne frappait pas son rejeton. Ou peut être si, une gifle ou une fessée en cas de bêtises, mais jamais il ne le frappa parce qu'il était ivre.
Étrangement.
Il mourut quand même un jour à cause du rhum qui lui tapait le cerveau et qui l'avait fait se taper le crâne contre une poutre de la cabane par inadvertance. C'est Mark qui le trouva étendu sur le plancher, alors qu'il n'avait que huit ans. Du sang partout. Il tenta de le réveiller en le tapotant du pied, en lui jetant un verre d'eau à la figure, avant de comprendre que c'était fini. Première fois de sa vie qu'il était confronté à la mort.

Quand on est tombé sur cette hutte dans la forêt XX, ça empestait le cadavre et la moisissure. Des rats avaient tout bouffé, de toute façon, il ne restait que des os. Le gamin avait laissé son père-là, n'y avait plus touché. Et aucune trace de lui. On a eu un mal fou à le retrouver. En à peine deux ans, il était devenu comme un môme sauvage. Jamais au même endroit plus de deux minutes d'affilée. Il n'a jamais cherché à retourner au village où il avait été à l'école, petit. Tout ce qui comptait c'était la survie. On a fini par le choper au bord d'une falaise. Il aime pas le vide, ce gosse, ça a été plus simple de l'acculer là. C'est à ce moment qu'on a eu des explications avec lui, il nous a dit ce qu'il savait. Et puis on a rajouté ça aux données qu'on avait pu collecter auprès des villageois. Le dossier reste un peu flou, malheureusement.

Surtout qu'après, Mark Abraham Finch a totalement disparu. On l'avait placé dans un endroit spécial de réinsertion. Et il a disparu, on ne l'a jamais revu.




Lorsque le jeune Mark arriva à Cherub, il était encore très sauvage, mais il s'adapta plutôt vite. Il ne connaissait que ses prénoms, il fut aisé de trouver un nom de famille puisqu'il paraissait ne même pas (plus) en avoir.  Il s'adapta tellement vite qu'il réussit ses tests avec brio pour la plupart (mis à part l'épreuve de l'escalade où nous fumes obliger de le faire descendre d'urgence car il faisait un malaise). Le plus dur fut probablement l'épreuve scolaire, mais Mark rendit copie blanche sans comprendre l'importance d'un tel test. Actuellement, il est en pleine remise à niveau scolaire, bien qu'il ne soit pas très studieux, nous tenons le bon bout, il me semble. Il commence à adopter une attitude bien plus civilisée qu'à ses premiers jours et la compagnie des autres agents ne l'effraie plus. Il ne la recherche pas à tout prix non plus, mais il a su s'adapter à la vie en communauté. Nous croyons pouvoir dire qu'il est dès maintenant opérationnel pour la prochaine séquence de PEI.

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