Samedi 16 Novembre 2013
Quinze jours s'étaient écoulés depuis l'exercice d'Halloween, Exercice qu'elle avait réussi haut la main, étant la première à franchir la ligne d'arrivée, et ce en ayant évité tous les pièges des instructeurs comme des rouges. Son grand frère Matthew l'avait naturellement chaleureusement félicité, mais elle avait aussi reçu quelques mots sympathiques d'autres agents expérimentés qu'elle avait pourtant coiffé au poteau. Et elle reçut même ce qu'elle jugea comme étant une approbation gromelante du terrible instructeur en chef Gordon Mac Gowan.
Et depuis s'était installé un certain... Calme. Oui, la vie au campus était somme toute calme, simplement rythmée par des exercices ci et là, mais surtout, bouleversée par les missions pour quelques semaines. Ou même juste une journée, parfois.
Pourtant, cet après midi, ce fut autre chose qui bouleversa sa journée. Car elle alla au cinéma avec Bruce. Et d'autres agents, auxquels elle n'a guère accordée d'attention. Tout ce qui lui comptait, c'était de pouvoir passer du temps avec le jeune adolescent loin du campus. Dans la détente la plus pure.
Elle avait d'ailleurs passé la matinée complète à se demander comment elle allait s'habiller, se coiffer, et toutes sortes d'autres questions de ce genre là. Regrettant quelque peu de ne pas pouvoir appeler Lily, l'amie qu'elle s'était faite en mission à Salt Lake City. Elle était sûre qu'elle, elle aurait su ce qu'elle devait faire.
Finalement, elle opta pour une jupe blanche plissée, sur un collant tout aussi blanc -c'était une journée froide, et elle ne voulait pas tomber malade- avec un chemisier d'un beige très doux, brodé de signes nippons dorés. Pour retenir sa grande chevelure noire, elle choisit deux peignes d'un blanc ivoire aux perles d'un bleu éclatant. Elle avait bien passé une demi heure devant son miroir, à tenter de faire ci ou ça avec ses cheveux qui lui arrivaient jusqu'en bas du dos, mais ce fut pourtant bien avec une coiffure toute simple, celle qu'elle affichait au quotidien qu'elle sortit.
En soi, c'était peut être mieux, se disait-elle maintenant qu'elle regardait autour d'elle, dans le petit espace café du cinéma. Elle aurait certainement détonné si elle avait gardé une coiffure plus sophistiquée.
Ils étaient allé voir La Stratégie Ender. Bruce et elle n'étaient pas les seuls agents du campus, mais ils s'étaient isolés en attendant qu'on les récupère. Ils avaient devant eux un bon quart d'heure, au moins, selon l'aîné de leur groupe qui avait signalé la fin du film au campus. Un quart d'heure à se détendre.
Itô avait acheté pour elle et Bruce un grand chocolat chaud, avec dessus beaucoup de chantilly. Ils étaient tout deux perchés sur de grands tabourets -Itô était plus grande assise sur celui ci que debout, et de très loin- buvant leur boisson délicieusement chaude.
« Tu as aimé le film Bruce ? »Ce n'était pas vraiment le genre de film d'Itô à vrai dire. Elle l'avait trouvé extrêmement violent. Mais elle avait eu énormément de sympathie pour le héros, Ender, un garçon de leur âge qui fut complètement manipulé. Et qui dut ensuite faire face à la terrible réalité. Elle se demandait si le film aurait une suite. Elle se demandait si Ender pouvait parvenir à vivre avec sur lui le poids d'une planète entière détruite. Plus tous les humains des vaisseaux de guerre qu'il avait sacrifié.
Alors, somme toute, elle avait peut être aimé ce film. Mais certainement pas pour les même raisons que ceux autour d'elle, pleins d'admiration pour les scènes d'actions spectaculaires.
« Ender nous ressemble, n'est ce pas ? »Elle avait parlé de son habituelle voix douce, même si une très légère pointe d'amertume était venue se glisser. Eux aussi étaient des petits génies servant les intérêts d'un gouvernement après tout. Bien sûr, elle savait qu'ils faisaient ce qui était juste. Mais elle avait parfaitement conscience qu'en temps de guerre, ou si pour une raison ou une autre, la Grande Bretagne sombrait dans le totalitarisme, alors, eux, agents de Cherub, devraient faire face à des situations moralement bien plus dures, complexes, et terribles moralement. Il fallait si peu de chose pour que tout change.