Les arbres autour de lui font comme une maison. Il a l'impression d'être à l'abri, sous branches dépouillées de leurs feuilles qui font comme des squelettes. Mais il n'a pas peur, Mark. Il court, de toute façon.
Les pieds nus contre le sol terreux jonché de brindilles et d'épines; il ne sent rien, il court encore. Son chapeau de paille, inutile pourtant, ballotte dans son dos. Il a consenti à endosser son uniforme pour le reste, c'est pas vraiment ce qu'on appelle une forte tête. Il est seul dans les bois, pas un bruit juste celui de ses talons qui battent le sol à toute vitesse.

Et il court, il court, il court.
La forêt se termine brutalement sur une étendue d'herbe froide, molle, douce. Il ne s'arrête pas pour autant, comme un dératé, comme si sa vie en dépendait. Toujours plus vite, il croit, mais sa vitesse a un peu ralenti, car comme tout le monde, il s'essouffle. Mark fait semblant de ne pas sentir les limaces gluants sous la plante de ses pieds, parce qu'il y a vachement plus important.

Même si au fond,  il ne sait même pas pourquoi il court comme ça.
Ses jambes finissent par en avoir assez. Plouf, l'une s'enfonce un peu trop dans un trou, il l'extirpe mais il est déséquilibré. Alors, Mark se prend une racine mal placée qu'il n'a pas pu éviter , et se rétame de tout son long dans le gazon. Ses fringues sont fichues, mais il ne s'en rend même pas compte. Il est sonné, mais c'est surtout parce qu'il n'en a rien à fiche. Néanmoins il ne peut que s'empêcher de remarquer qu'il a à moitié atterri sur les rangers d'un t-shirt rouge qu'il ne connait même pas. Sans se relever, à plat ventre, il lève les yeux vers celui qui lui paraît géant, vu de là.

― Pardon. qu'il lâche comme un mot incongru. S'excuser, oui, s'excuser. C'est ce qu'on lui a appris dès son arrivée. Ça va de mieux en mieux pour l'imminent torturé de PEI, en terme de sociabilité. Enfin, c'est pas comme s'il l'avait souhaitée, cette rencontre là.

― Tu as mal? demande-t-il quand même.

Il amorce un mouvement pour se relever à l'aide de ses mains, sans quitter son nouvel interlocuteur des yeux. Brun contre vert. La boue contre l'herbe. Mark a le visage embrouillé, les sourcils un peu froncés. Décontenancé, l'air de ne pas comprendre ce qu'il fait et pourquoi il le fait, il grimace un sourire d'apprenti en sourires.
Il fait de son mieux, en tous cas.

Gregory sortit du dojo, non pas en trombe mais en marchant. Ce qui est une chose rare pour le gamin. Faut dire qu’il était chargé aujourd’hui. Son sac de cours n’avait pas pu tout contenir, alors il portait de nombreux ouvrages dans ses mains. Mais ces ouvrages-là n’étaient en fait que ces livres de cours et cahiers. Les ouvrages plus précieux diront nous étaient dans le sac. Et cela tombait bien, parce que le chinois venait d’entrer en collision avec, euh… Une personne apparemment, personne qui s’excusa. Gregory, les mains serrées sur ses cahiers et le cul dans le sol boueux, lança un léger regard noir avant de repasser sur un visage apaisé. Le brun ses releva sans s’aider de ses mains avec une légère difficulté, mais une fois debout sur ses deux pieds bien placés, son visage s’éclaira d’un sourire.

Je vais bien, ne t’inquiètes pas.

Gregory détailla son vis-à-vis. Brun, un peu plus grand que lui, plus vieux aussi au vu des lambeaux de t-shirt bleu-ciel. Une cicatrice son l’œil facilement repérable et un doigt manquant. Mais surtout, ses habits en lambeaux ; ses pieds nus et ses membres presque lacérés par les branches qui ont dû le fouetter dans sa course folle.

Et toi, tu as besoin d’une douche et de nouveaux vêtements et peut être de soins aussi. Mais on va peut-être commencer par les civilités. Je me nomme Gregory Longjoy, 9 ans. Et toi, tu es ?

Bon, Gregory avait déjà une idée. Faut dire que nombre de rumeurs circulaient sur le bleu ciel aux allures de sauvageon retrouvé dans une forêt perdue. Il était difficile de ne pas remarquer un tel type. Mais Gregory souriait et éclatait de sa bonté. Enfin c’est ce qu’il pense. Mais là, jamais il ne lui viendrait à l’idée d’entrer en contact physique avec lui. Non mais regardez-moi toute cette boue. Gregory n’est pas du genre doué et ses gamelles le couvrent régulièrement de boue. Mais jamais la boue ne semble s’être incrustée en lui comme chez Mark. Donc une bonne douche lui ferait le plus grand bien, comme à Greg qui avait maintenant le cul gelé et le treillis dégueulassé par la boue due à sa chute.

Le garçon en face a plein de livres dans les bras, et un gros sac accroché à lui. Il est tombé dans la boue mais il se relève super vite, alors Mark fait de même, appuyant à peine sur ses mains. Face à face, il peut voir qu'ils ont la même taille. Et si Gregory sourit, alors Finch sourit aussi, par mimétisme. Sourire c'est positif pas vrai? C'est encourageant, en tous cas. Il ne saisit même pas le regard qui le balaye de haut en bas, surement parce que lui aussi, il regarde comme ça. Mais il n'y a rien qui retienne vraiment son attention.

Mark se gratte férocement sa joue incrustée de gadoue et scrute le visage de ce camarade en rouge tout en l'écoutant avec une concentration qu'on qualifierait d'exagérée mais qui lui est, à lui, indispensable. Les informations se gravent avec lenteur. Nom, prénom, âge, quelques informations. Mark regarde piteusement ses frusques et sa peau. D'accord. Des habits, une douche.
Pas de problème. Il n'y a pas d'animosité, il compte ça bienveillant.
Il y a eu le mot "civilités" après tout.

Puis le t-shirt bleu ciel comprend soudainement que la question lui est adressée à lui. C'est avec un air tout à fait idiot qu'il essuie ses mains pleines de boue sur son treillis plein de boue et que du coup ça sert à rien. Qu'il a l'air de réfléchir beaucoup, alors qu'au fond c'est évident.

Mark! J'ai 11 ans !

Il s'exclame comme si c'était formidable, comme si sa vie en dépendait.
Comme il a compris que c'est essentiel, car mine de rien il apprend vite, Mark sourit à nouveau.

D'accord? Où c'est?

Que Gregory amorce la marche, le presque agent Finch le suivra.

Gregory attendit et attendit la réponse de Mark. Il avait l’impression de pouvoir se prendre le déluge avant que le bleu ciel ne lui réponde. Et pourquoi est-ce qu’il a l’air aussi content d’avoir mis des plombes à répondre ? Enfin bon, qu’importe. Le brun fit un sourire poli avant de se mettre à avancer. À la question de Mark, Gregory se stoppa et se retourna. Il avait pensé aux douches communes du bâtiment junior. Mais peut-être qu’il préférerait sa salle de bain personnelle qu’il devait avoir au bâtiment principal.

Hum… On a le choix en fait. Ta salle de bain au bâtiment principal ou les douches communes du bâtiment junior. Que préfères-tu ?

Gregory fit son plus grand sourire en resserrant sa prise sur ses livres. Au bâtiment junior il pourrait poser ses affaires, mais devrait rapporter ses propres vêtements pour Mark. Alors qu’au bâtiment principal, il aura accès direct aux affaires du bleu ciel. Et puis son but était la bibliothèque. Alors qu’importe le choix de Mark.

Le duo arriva à peu près à égale distance entre les deux bâtiments. Il était maintenant tant de faire un choix. Gregory espérait que les quelques pas qu’ils avaient fait depuis sa question avaient permis à l’aîné de choisir et de le faire savoir. Parce qu’il n’avait pas l’air très rapide à la réaction. Le gamin se demandait si par hasard ce ne serait pas dangereux pour un agent d’être aussi lent. Enfin, il avait encore le temps de s’améliorer. Et s’il était là c’est qu’il n’était pas bête. Donc tout allait bien. Les deux gamins se dirigèrent donc vers le bâtiment selon le choix de Mark.

Mark regarde dans les yeux le dit Grégory. Il a l'air d'essayer de déchiffrer l'envie profonde de ce garçon, mais, bien sûr , ça lui est impossible. Il se mord légèrement la lèvre , entremêle ses doigts souillés. Il finit par opter par instinct pour la solution qui lui l'arrange le plus: sa chambre. Lui n'est pas un garçon pudique mais il préfère ce qu'il connaît et dont il a l'habitude. Sans doute que cela vaut mieux, il se sentirait sans doute agressé au milieu d'autres enfants alors qu'il se lave juste. Cette réflexion "intense" n'a heureusement duré en fait que quelques instants. Il pointe simplement du doigt le bâtiment principal et tous deux y vont d'un bon pas.
En chemin Mark est trop concentré sur les divers éléments extérieurs qui accaparent son attention pour ne serait ce qu'envisager lancer une conversation. Sur le seuil du bâtiment il prend un peu plus conscience de la situation, brusquement, et s'écrie avec plus de vivacité qu'il n'en a fait preuve jusque là:

- Tu dois aussi prendre une douche, un peu ? demande-t-il par déduction. Facile: il est couvert de boue, Grégory aussi, un peu. Il doit prendre une douche, Grégory aussi, un peu.

- On ne se douche pas avec des livres. sa parole suit sa pensée il ne s'en rend même pas compte.

Tout crotté, tout dégueulasse, le gosse ne pense pas à enlever ses chaussures pour limiter ses dégâts. Pas comme d'autres, son esprit n'est pas à la provocation. Derniers mots :

- Je vais vite!

Puis il se rue dans sa chambre, bazarde ses rangers, se lave en un éclair (avec même un peu de savon !) , se rhabille et revient , le tshirt a l'envers, le chapeau de travers, en quatre minutes au bas mot. Il attend ensuite , assis sur les marches, son camarade rouge.

Gregory suivit en silence Mark. Il serrait ses livres contre son torse. Le rouge observait son aîné en se demandant s’il était vraiment capable d’infiltrer une organisation criminelle avec ce manque de paroles. Mais cela s’arrangerait, il faut juste les personnes adéquates pour l’entourer. Et le gamin s’était presque montré volontaire.

Une fois arrivé au bâtiment principal, Mark sembla reprendre conscience de la présence de Gregory. Après quelques mots maladroits, l’aîné partit. Gregory pensait en avoir pour un bout de temps alors il en profita pour rejoindre au pas de course sa chambre. Il rangea avec soin ses livres, posa son sac sur son bureau. Puis il descendit avec de quoi se doucher. Il bazarda ses vêtements boueux puis se glissa sous la douche. Il se lava rapidement, mais tout de même avec soin. Il en ressortit dix minutes plus tard. Il se sécha puis rhabilla avec un uniforme propre accompagné d’une autre veste. Contrairement à la précédente qui était d’un bleu profond, celle-ci était d’un vert émeraude. Mais elle tenait tout aussi chaud.

Gregory rejoignit le bâtiment principal. Cela devait correspondre a environ un quart d’heure après Mark. Mais le rouge fut tout de même étonné de le voir déjà changé. En s’avançant, il remarqua son débraillement. Le gamin sourit.

Tu n’avais pas besoin de te presser. Cela aurait probablement évité les erreurs dans ton habillement. Et être propre sur soi est important. Enfin, qu’importe. Tu désires faire quelque chose en particulier ?

Gregory dit des choses que Mark ne saisit pas tout à fait, ou à demi-mot en tous cas. En plus il n'arrive pas encore vraiment à comprendre si 'est des blagues ou pas, au vu du ton très sérieux qui s'assemble pourtant à un grand sourire. Il en a lui aussi un énorme, chaleureux, enthousiasme. Hop, il bondit sur ses pieds. Il n'a même pas attendu longtemps en vérité. Il se dit soudainement que ça pourrait être marrant d'être à son tour sérieux. Il pioche dans les mots qu'il trouve le plus adultes et durs, et les assemble non sans mal, avec une mine si grave qu'elle en est comique.

― Je ne désire pas actuellement intentionnellement me divertir d'une façon particulièrement. Si dans tes voeux il y a quelque activité pittoresque qui te plair...erait? je crois que tu seras mieux qualificié que moi.

Bien sûr, il explose de rire à la fin de sa tirade. Ce n'était ni réaliste, ni cohérent, ni bien joué. Ça fait l'effet d'une grosse farce de clowns qui miment de façon très exagérée pour que même les plus petits enfants comprennent. Mark n'est pas si stupide et naïf, voilà bien une preuve qu'il emmagasine un sacré paquet d'informations. Il en faut, du temps! La vérité est bien vrai, il baisse les yeux sur son accoutrement et le rajuste du mieux qu'il peut. Il remet son t-shirt à l'endroit, redresse son chapeau, aplatit ses cheveux. Sourit à nouveau.

― Est ce que c'est mieux, sire Longjoy?

Petite courbette ridicule il tend le bras devant lui.

― Si tu as faim!..

Gregory observa Mark chercher ses mots, comme s’il avait posé une question particulièrement difficile alors qu’il demandait juste ce que le bleu ciel voulait faire. Mais lorsqu’il parla avec un air vaguement sérieux et utilisant des termes un peu complexe, Gregory ne put s’empêcher de rire, un rire complètement incontrolable. Un rire où il est difficile de reprendre son souffle. De même que Mark une fois qu’il ait tant bien que mal finit sa tirade. Le rouge reprit son souffle après son fou rire pendant que Mark rajustait ses vêtements. Mais le « sire Longjoy » l’acheva et le gamin repartit dans un fou rire incontrôlable.

Ne m’appelle pas « sire Longjoy »… Ca fait trop bizarre.

Après ces paroles entre coupées de rires ou plutôt un rire entre coupé de paroles, Gregory tomba à la renverse toujours en riant. Après ce long rire où le gosse batailla pour ne pas se rouler par terre, il se reprit, se releva et observa Mark. La faim ?... Gregory réfléchit un long moment. Il était tout juste dix-sept heure, pas encore l’heure de manger. De plus le réfectoire n’était pas encore ouvert. Alors le rouge ne savait pas du tout d’où il sortait cela. Mais il fallait répondre…

Ce n’est pas encore l’heure et le réfectoire est fermé. Mais on peut attendre pas loin comme dehors, même s’il fait un peu froid, ou dedans, à la bibliothèque par exemple.

Même s’il n’avait plus ses livres pour travailler. Enfin, le but de cette proposition était de patienter une heure environ jusqu’au repas. Alors patience et attention. Voyons ce que Mark allait choisir. Pour Gregory, ça lui importait peu. Dans tous les cas il allait trouver de quoi s’occuper lui seul ou avec Mark. Mais de préférence avec l’aîné. Après tout, s’il était encore là c’est qu’il comptait communiquer un peu plus longtemps avec le bleu ciel.

Mark accompagne incontrôlablement Gregory dans son fou rire, à en avoir des crampes au ventre qu'il se tient avec un seul bras (bras qu'il garde au final le long du corps, il n'a jamais compté que le rouge le prenne, à vrai dire). Lui reste debout et avant même qu'il propose de l'aide à son camarade pour se relever, ce dernier l'a fait. Le sauvage en avait oublié à quel point son puîné était agile et vif! Il acquiesce vigoureusement de la tête tout en assurant oralement:

Je le ferai pas t'inquiète, je vais oublier!

Et c'est totalement vrai, car tout ça n'avait que peu d'importance. Mark a encore un peu de temps devant lui avant le PEI pour assimiler règles de courtoisie qui pourraient l'aider ou lui sauver la vie en mission, par la suite. Pour l'instant, il s'en contre-moque, il est bien trop occupé à se demander pourquoi les repas sont ainsi à heures fixes, ici. Même s'il est là depuis déjà pas mal de temps, il s'est posé cette question à chaque fois qu'on lui a dit qu'il était trop tard, ou trop tôt. C'est que le presque agent Finch avait toujours été habitué à manger quand il en avait le besoin.

Néanmoins, il comprend très bien qu'il ne peut donc pas se pointer dans l'accueillant réfectoire. Il n'ose même pas invoquer le prétexte du goûter (qui a bon dos auprès des habitués de la vie civilisée et occidentale), et, après s'être un peu gratté un sourcil, concède en haussant les épaules:

Je n'ai pas froid. On va où tu veux.. on peut travailler aussi. Si tu veux.

Il lui arrive souvent de répondre aux questions sans vraiment y répondre. Il en pose une autre, ou bien il surenchérit. C'est qu'il n'aime pas faire des choix. Tout était bien plus simple avant quand il était guidé par son bon vouloir et son instinct. Ici, parfois même, on s'ennuie beaucoup. Mark n'a pas spécialement envie de travailler, ni de lire. Mais il n'est pas tout seul, c'est ce qu'il a appris de plus important depuis qu'il est entré dans les services secrets britanniques. De toute façon, là, il a envie de rester avec le garçon brun, et le suivra n'importe où même si leur lieu de discussion devient des toilettes.
Peu importe.
Il n'est même pas pudique.

Gregory patienta jusqu’à la réponse de Mark. Cette dernière fut toujours aussi évasive. Le bleu ciel ne savait-il donc pas décider par lui-même ? Enfin qu’importe. Mais que pouvaient-ils faire en attendant. Le rouge se souvint qu’il ne s’était pas entraîné rigoureusement depuis un certain temps à cause de la version qu’il faisait pour Kévin. Donc, vu qu’il ne bossait pas dessus pour être avec Mark, pourquoi ne s’entrainerait-il pas sur les pelouses pour ne pas aller trop loin. Le sourire de Gregory s’élargit.

Tu es bon en arts martiaux ? Moi j’adore et me considère comme bon. Gordon me fait m’entrainer avec les bleus ciel parfois. Mais ça fait un moment que je ne l’ai pas fait. On improvise un entrainement au combat au corps à corps entre nous sur les pelouses. Ça te va ?

Puis ni une i deux, Gregory attrapa la main de Mark et l’entraina sur les pelouses. Il enleva immédiatement sa veste laissant apparaitre son t-shirt rouge. Il se plaça en position de combat puis démarra un kata. Il prêta attention à chaque détail pour que sa présentation soit parfaite. Un kata n’est pas utile en combat réel, mais il regroupe chaque position et coups de base. Alors c’était un bon échauffement. Il invita Mark à en faire de même, ralentissant son propre rythme pour laisser l’aîné l’imiter sans problème ou du moins s’il voulait tenter l’exercice. Déjà le rouge recouvrait avec plaisir les sensations de ce travail au travers de chacune de ses fibres musculaires. Et ce rythme lent lui permettait de prolonger le plaisir alors même si son visage était plus sérieux, il conservait un fin sourire complètement sincère. Il aimait ce qu’il faisait et rien n’y changerait. Il en oublierait presque Mark… Presque. À la fin de la cinquième répétition, le gamin se stoppa pour observer Mark. Il n’avait pas une seule goutte de sueur pouvait perler, ce n’était qu’un échauffement après tout. Donc c’est nullement essoufflé qu’il se mit à parler au bleu ciel.

Alors, c’est bien, non ?

Il se laissa entraîner avec plaisir par la main.
Gregory avait dit comme à son habitude beaucoup de choses d'un coup, mais, plus ça allait, plus Mark accélérait sa vitesse de processus. C'est donc tout en marchant derrière lui qu'il empila à son tour quelques phrases efficaces (tout est relatif).

Ca va! En fait je crois que je t'ai peut être déjà vu à l'entraînement... je sais plus. Oui ce serait bien !

Et puis hop les voilà aux pelouses. Mark était un vrai barbare en combat, il n'était pas encore trop au fait des règles des différents arts martiaux, même s'il tentait de les appliquer du mieux qu'il le pouvait et d'apprendre tout le fatras d'enchaînements. Lui n'avait pas de veste à enlever, à défaut de quoi il ôta avec précaution son chapeau et le posa par dessus le vêtement abandonné de son camarade. Les voilà tout les deux partis pour une séance de sport pour le moins particulière! Surtout alors qu'ils venaient de prendre une douche!

Mais le gamin ne se formalisait pas de ce genre de chose.
Au début perdu il commença à imiter les katas de son coéquipier de bagarre, de plus en plus assuré mais bien plus gauche que Gregory qui avait l'air d'avoir fait ça toute sa vie.
Il n'en fallut pas beaucoup au bleu ciel pour qu'il se retrouve en sueur, mais pas essoufflé non plus.

Oui-oui... On y va?

Il se mit en position de combat, et plus rien n'exista qu'eux deux.
Il s'était raidi, et ses yeux s'étaient durcis, fixés comme des lances sur son adversaire.
Prêt.

Mark ne sembla pas s’en souvenir, mais qu’importe. De toute manière, ce n’est pas comme si c’était important. Là, ce qui importait vraiment était les sensations oubliant doucement l’aîné, mais sans jamais l’oublier complètement. Il ne faut jamais oublier complètement ce qui nous entoure. C’est le meilleur moyen de se faire surprendre. Et un espion ne doit pas se faire surprendre, même s’il n’en n’était pas encore un.

Gregory observa Mark se placer en position de combat. Il était fin prêt pour un petit combat. Il en était de même pour le rouge. Tendu comme un arc, le gamin se relâcha d’un coup pour tenter de porter un coup direct à la mâchoire de son adversaire. Le combat démarra donc sans plus de cérémonie. Bien sûr, l’objectif du gosse était de gagner. La victoire est ce qu’il y a de mieux. Alors on était parti. Si le coup de poing à la mâchoire réussissait le rouge enchainerait… S’il échouait, il n’aurait plus qu’à se préparer à un contre à moins qu’il enchaine un autre coup. Bwaarf ! On verra ça au moment venu. Après cette intense réflexion qui en fait n’en n’était pas vraiment une puisque que le rouge savait déjà ce qu’il voulait, c’est-à-dire combattre en impro totale. Parce rien ne peut être prévu dans un combat, même amical.

Ils devaient être marrants à voir, tous les deux, plantés sur la pelouse et raides comme des pics à brochettes. Mais ce n'était pas si marrant que ça, du moins pas pour Mark. L'air se chargeait d'électricité statique ! Quand on vous dit que la bagarre il n'y a que ça de vrai. Bien plus rassembleur qu'un foot. En tous cas, les coeurs des deux garçons battaient pour ainsi dire de concert, en choeur, et définitivement simultanément; c'était comme une grande horloge.

Mark aurait pu attaquer en premier.
Il aurait dû, même.
A moins que cela soit calculé et... non, ce n'était pas calculé, c'était juste l'instinct.
N'ayant même pas tenté de porter un coup, concentré comme il l'était, le bleu ciel para l'attaque du rouge de son bras placé de façon extrêmement vive et brutale devant son visage. La simple parade se mua automatiquement en une saisie pour immobiliser le poing en l'air.

Ni une ni deux, le temps d'un battement de cil, il avait déjà tenté d'enchaîner avec une béquille dans la cuisse gauche de son partenaire de combat.