22 décembre 2013
Aucune envie de me lever. Le froid, je le sentais un peu à mes pieds, à chaque fois que la couette se déplaçait. Aucune envie de quitter ce cocon en ce jour de vacances. Rares étaient les moments où on pouvait en profiter. Toujours se lever. Surtout qu'aujourd'hui, il neigeait, ce qui me donner encore moins envie de me lever. Et puis j'avais passé la nuit à lire un livre policier. Pas parce que j'avais trop peur pour m'endormir mais pour connaître la fin et savoir si mes hypothèses étaient justes. Je m'étais bien laissé emporté par l'intrigue et par les personnages. Et comme toujours quand je lisais ou regardais quelque chose de vraiment bien, j'y repensais un long moment. Une fois, il m'était arrivé d'être dans l'ambiance d'un film, d'y réfléchir, pendant près d'une semaine. Et ensuite j'y pensais plus que par moment. Heureusement, il faut dire. Donc je n'étais pressé de me lever ce jour là. Et pourtant, je n'avais pas trop le choix. À dix heures, je devais être dans le dojo pour m'entraîner au krav-maga.
Il n'y avait plus de cours en cette fin d'année, mais j'avais parlé la veille avec l'une de mes amies, et accessoirement voisine de palier, Naomi d'une difficulté que je rencontrais lors de mes entraînements. Car le prof s'était mis en tête de nous apprendre, peu de temps avant les vacances, la garde inverse, pour jongler entre garde de gauche et garde de droite selon les situations. Donc les autres apprenaient la garde de gauche et moi la garde de droite. Car j'étais gaucher, et ça m'avait d'ailleurs bien servi en combat jusqu'à maintenant. Les jeunes qui avaient à peu près mon niveau, même s'ils commençaient à s'habituer, étaient parfois un peu surpris lorsqu'ils me combattaient. Comme je n'avais pas la même garde qu'eux, ils avaient du mal à anticiper. Ce qui agaçait les instructeurs, vu que des fois, je battais des jeunes plus forts et avec une meilleure technique grâce à ça.
En tous cas, je n'avais beau ne pas être déconcerté en voyant les autres combattre avec une garde de gauche, j'étais incapable d'en mettre une en garde de droite. Je confondais un peu ma droite et ma gauche, comme un gamin. En fait, j'avais du mal à calculer tous les changements induits par cette façon de combattre. Alors les techniques étaient tout simplement inefficaces. En combat, pas besoin que l'autre en face soit bon pour perdre. Il suffisait qu'en appliquant une technique pour me dégager d'une prise, je me trompe ne serait-ce qu'un petit peu de sens pour me mettre moi-même à terre. J'avais l'impression d'être de retour au PEI. Ou plus précisément à mes tous premiers cours, juste avant le PEI, lorsque je n'avais même pas une ceinture jaune. J'avais donc parlé de ça à Naomi, l'une des meilleures pratiquantes du krav au campus et elle avait proposé de me donner un coup de main.
Il fallait donc que je me lève, je n'allais pas lui faire faux-bond comme ça. Le rendez-vous était fixé à dix heures. Je remontais un peu dans mon lit et j'attrapais mon smartphone, posé au sol, en train de charger. Je le débranchais et je me réveillais tranquillement, en consultant quelques sites internet. En commençant doucement, par les VDM. Puis je finis par passer sur le site du Guardian. Je me levais finalement pour prendre quelques vêtements et me diriger vers la douche. Passer d'un point de chaleur à un autre point de chaleur. Le tout eu pour effet de me sortir la demie-torpeur dans laquelle je me complaisais pour descendre rapidement prendre mon petit déjeuner au réfectoire. Évidemment, celui-ci était presque vide. Les lève-tôt du campus, ceux qui quoiqu'il arrive étaient en train de courir partout à six heures du matin, s'étaient rassasiés depuis longtemps. Et les autres, les normaux qui dormaient jusqu'à dix heures, onze heures ou plus, n'étaient pas prêts de sortir de leur lit.
Tant mieux. Je n'aimais pas trop être avec plein de monde pour le petit déjeuner. Autant je détestais être seul à une table pour les autres repas, autant là je préférais être tranquille. Reprendre doucement contact avec civilisation. Ne pas heurter mes oreilles encore fragiles à cette heures par les cris des autres. Rester encore un peu désabusé avant de se mettre à des pensées plus positives. Honnêtement, je n'aimais pas me lever, devoir me dépêcher pour aller en cours et réviser ou finir un travail avant. Ou faire des tours de pistes, imposés en punition. Mais les matins étaient le moment où on pouvait observer sans prendre part, où on a le droit de penser plus lentement, plus tranquillement, à être sombre sans avoir des remarques ou le risque d'être intercepté par un responsable de formation.
Je sortis alors que l'averse de neige se calmait et je traversais le campus. La poudre blanche au sol laissait apparaître des dizaines de traces de pas, et à chaque fois que quelqu'un osait toucher le manteau blanc, il disparaissait, se fondant avec la boue au sol. Il y avait quand même quelques personnes dehors, capuche rabattue, traversant en ligne droite, sans courir mais en marchant le plus vite possible. Et un groupe de jeunes t-shirts gris essayant de faire une bataille de boules de neige. Je finis par ouvrir la porte du dojo -porte grinçante- et me réfugier à l'intérieur. Le bâtiment dans l'esthétique japonaise paraissait parfaitement à sa place avec la légère pellicule de neige. Les couleurs de vives de la façade et du toit contrastait avec la pâleur environnante. Je retirais ma veste et m'installais dans la salle d'entraînement. Comme j'étais un peu en avance, je commençais à m'échauffer en attendant l'arrivée de Naomi.